24 septembre 2014

Lucy et le mythe des 10 % : 5 bonnes raisons de ne pas y croire

L'argument du nouveau film de Luc Besson "Lucy" repose sur une vieille théorie scientifique... complètement fallacieuse.

Lucy de Luc Besson avec Scarlett Johansson. (c) DR

Las ! certaines fadaises ont la peau dure. Tout l’argument du nouveau film de Luc Besson repose sur cette vieille théorie scientifique selon laquelle l’humain n’utiliserait en moyenne que 10 % de son cerveau. Datant de la fin du 19e siècle et émise par deux psychologues de l’université de Harvard, cette assertion n’est pas seulement fausse, ni même doublement fausse, mais au moins quintuplement erronée. Revue de détail.


1. On l'aurait vu à l'imagerie

Si un siècle plus tôt, aucun appareil d’imagerie n’existait pour éprouver cette hypothèse, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Or, si 9/10e de notre cerveau était inactif, la tomographie par émissions de positons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) l’auraient détecté. Ca n’a jamais été le cas. Bien au contraire, les outils d’imagerie cérébrale montrent que toutes les zones de notre cerveau, sans exception, sont utiles et actives.

2. Les lésions cérébrales seraient sans effet

Si 90 % de notre cerveau était superflu, la plupart des lésions cérébrales n’auraient aucun effet. C’est tout le contraire qu’on observe : la recherche médicale ne connait aucune région cérébrale dont une lésion serait sans conséquences. Même des dommages de taille infinitésimale peuvent avoir des conséquences désastreuses et incapacitantes pour un individu.

3. Notre cerveau serait donc atrophié...

Il en va du cerveau comme des muscles : un tissu cellulaire inutilisé a tendance à s’atrophier. Si 90% de notre cerveau demeurait inactif, l’autopsie de personnes adultes aurait révélé des dégénérescences massives. Or, ce n’est pas le cas.

4. Une activité qui dépend des tâches à accomplir

Toutefois, la recherche médicale connait très bien des individus dont le cerveau manifeste une activité électrique très supérieure à la moyenne. Ça n’en fait pas pour autant des super-héros ou des surdoués. Bien au contraire, puisque ces personnes sont épileptiques... De fait, si le cerveau ne carbure jamais constamment à 100 %, c’est pour éviter les risques de surchauffe ou d’embrasement cérébral qu’expérimentent ces malades. Si l’être humain n’utilise que quelques pour-cent de son cerveau, c’est donc à un instant T donné et nullement sur l’ensemble d’une journée durant laquelle la totalité des zones cérébrales sera activée à un moment ou à un autre en fonction des tâches à accomplir.

5. Contraire à l'évolution

Enfin, d’un point de vue évolutif, cette hypothèse des 10% est absurde. La Nature a autant horreur du vide que de l’inutile. Tout ce qui n’a pas de fonction se trouvera éliminé. Exemple : l’appendice caudal de nos ancêtres primates devenu inutile chez nous et qui s’est réduit au fil du temps à un reliquat osseux à la base des vertèbres. Ou notre denture, moins fournie aujourd’hui qu’au temps de la préhistoire du fait de modifications importantes de notre régime alimentaire. Un gros cerveau a un coût évolutif colossal car il augmente considérablement les risques de mortalité lors de l’accouchement. Un gros cerveau consomme également beaucoup plus d’énergie. S’il n’apportait aucun avantage à notre espèce (en dehors de quelques individus chanceux), jamais un cerveau inutile en moyenne à 90% n’aurait perduré jusqu’à aujourd’hui.

Bref, aucun argument sérieux n’existe en faveur de cette hypothèse des 10% utiles du cerveau.